1968 - 1990 - 2006, près
de quarante ans d'opérations amphibies et trois générations de
bâtiments se sont retrouvés, à Milhaud, dans le port militaire
de Toulon. Exceptionnellement, le transport de chalands de
débarquement Orage, retiré du service en juillet 2007, a été
amarré à côté de ses successeurs. Entré en service en 1990, le
TCD Foudre était déjà nettement plus gros que son aîné, avec 168
mètres de long pour un déplacement de 12.000 tonnes en charge
(contre 149 mètres et 8500 tonnes). Mais la différence avec le
Bâtiment de Projection et de Commandement Mistral, livré en 2006
par DCNS, est impressionnante. Long de 199 mètres pour un
déplacement de 21.500 tonnes, le nouveau BPC surclasse largement
l'Orage. Ces deux bateaux amarrés au même quai symbolisent
d'ailleurs l'évolution des opérations amphibies ces quarante
dernières années. Comme pour son sistership, l'Ouragan, la
conception de l'Orage datait de l'immédiat après-guerre, avec
une architecture encore très axées sur les débarquements massifs
sur des plages. Les vieux TCD ne pouvaient, toutefois, embarquer
que 4 hélicoptères. Or, depuis la construction de ces bâtiments,
le rôle des moyens aéronautiques n'a fait que se renforcer.
On se souvient du « Clemenceau »
Mais quelle décision, pour quel avenir ?
Les utiliser en brise-lames, comme à Saint-Mandrier ?
Inesthétique, euphémisent les défenseurs de « la plus
belle rade d'Europe ». Ces civils espèrent obtenir leur
disparition au profit d'ouvrages technologiques ad hoc.
Les revendre, tel le Foch au
Brésil ? Encore faut-il que les bateaux ne soient pas
obsolètes. En faire des musées, comme à Nantes, à Cherbourg
ou, jusqu'à récemment, à Bordeaux ? Sauf que cette
reconversion ne peut être qu'exceptionnelle.
La déconstruction reste donc la solution
la plus envisageable. Et la seule solution à terme. La plus
rentable aussi, pour la Marine, si l'on rachète le métal de
ses navires. Sauf que certaines de ces vieilles coques sont
bourrées d'amiante ou de PCB et que les chantiers qualifiés
pour les traiter, inexistants en France, sont rares et
chers.
Les passassions de marché restent aussi
extrêmement fastidieuses. Les contraintes juridiques ne
rendent pas simples, non plus, les derniers voyages de ces
vieilles coques. La triste odyssée du Q790, feu
Clemenceau, est là pour le rappeler.
Mais dans ce dossier rocambolesque,
d'autres voient là « une première encourageante »,
comme le capitaine de frégate réserviste, Daniel Dubosq,
responsable des coques de l'Orage, de l'Ouragan
et du Duquesne : « Le Clem a fait la
lumière sur un marché d'ampleur qui va peut-être exciter les
papilles des industriels. »
La mission interministérielle sur le
démantèlement des navires ne dit pas autre chose en
recommandant « d'optimiser le jeu de la concurrence entre
chantiers ».
Vers un manque de places ?
On se souvient d'un temps, pas si
lointain où l'on se faisait moins de mouron : le navire
était coulé par le fond, servant de cible à l'utilisation de
nouvelles munitions. On appelle ça l'océanisation :
pratique, rapide, efficace. Mais les règles
environnementales l'interdisent depuis 2001, malgré quelques
nuances.
Une chose est sûre : le temps presse pour
gérer ces problématiques. Les épaves s'entassent dans le
port et de nouveaux navires font leur apparition. Après les
imposants Mistral et Tonnerre, les frégates
Forbin et Chevalier-Paul sont venus s'amarrer au
pied du Faron. Les frégates multi-missions suivront, tout
comme les sous-marins Barracuda. Et ce qui était
impensable à un moment devient petit à petit incontournable
: à quai, le manque de place guette.
1. On peut ajouter
le sous-marin Agosta, dont la coque sert
officiellement à des « expérimentations ».
2.
Au total, dans les différents ports de l'hexagone, ce sont
une quarantaine de coques désarmées que doit gérer la Marine
nationale.
Remerciements Christian Prochasson