7 h 30, hier matin, un pneumatique noir arrive à toute vitesse sur la grande plage de Suscinio. Ce sont trois plongeurs de la Marine nationale qui se mettent tout de suite à l’eau. Ils inspectent le rivage pour rechercher d’éventuels obstacles. Des commandos les ont précédés au cours de la nuit pour sécuriser la plage. Diverses observations encore et le signal de départ est donné au Mistral et à l’Orage, ancrés à cinq kilomètres de là.

À 8 h, un premier chaland (bateau à fond plat) débarque deux bulldozers. Les deux engins se mettent aussitôt à dérouler deux tapis de grillage, en forme de voies de passage. Le débarquement peut commencer. Deux péniches, puissamment motorisées, entament un aller-retour sans relâche entre les deux bâtiments du large et le bord. La mission est d’amener à terre 300 véhicules dont 200 blindés et 500 soldats, notamment du 3 e RIMa (Régiment d’infanterie marine) de Vannes, constitués en groupement tactique embarqué. Un homme a un rôle pivot dans cette manœuvre impressionnante : le major Pierre Hervéou, nageur de combat brestois, affecté à la flottille amphibie de Toulon. Il est responsable de la section navale de « plageage ».

C’est lui qui pose le premier pied sur le point de débarquement et repart en dernier. Entre-temps, aucun chaland n’accoste, ni ne débarque son matériel sans son ordre. Chalands mais aussi, les LARC, ces gros véhicules amphibies de l’armée à la capacité de plusieurs camions. Tout le matériel est pointé par les deux équipiers de Pierre Hervéou. La mer descend. Les hommes du Génie déplient au fur et à mesure du reflux d’autres tapis grillagés. Les bulldozers doivent entrer dans l’eau pour faire le travail. Les chalands touchent le bord en douceur. La porte se baisse, une sonnerie retentit, il ne faut que quelques minutes aux blindés et véhicules légers pour atteindre le haut de la plage.

L’armée s’entraîne régulièrement à débarquer ses hommes car l’efficacité de la politique de défense est maintenant liée aux capacités de projection des forces. Notamment pour prendre en charge des nationaux piégés dans des zones d’instabilité ou de guerre et pouvoir les évacuer. Les bâtiments de type Mistral sont essentiels pour le débarquement des moyens matériels et humains et l’approche des côtes. Cet exercice, baptisé Skreo Antarès se déroule sur trois jours. Une seconde phase consiste en un raid blindé jusqu’au camp de Coëtquidan. Selon le scénario prévu, des ressortissants y auront été rassemblés, mercredi, en vue d’un rapatriement fictif par avion ou par mer. Tout au long de la route, des soldats dissimulés protégeront le passage des véhicules. Fin juillet, lors du conflit israélo-libanais, 14.000 personnes dont 10.000 Français avaient été évacuées par la Marine et l’armée au large de Beyrouth où était arrivé le Mistral accompagné de plusieurs autres bâtiments.